/salty breeze and endless waves.

PSEUDO/PRÉNOM: in waves, tomas. ○ ÂGE, PAYS: 21, suisse. ○ CONNEXION: très fréquente. ○ VOTRE AVIS SUR LE FORUM: tout ce que j'espérais en lisant le projet. il est vraiment beau en plus, pour ne rien gâcher. ○ CRÉDITS: tomhazeldine. AUTRE:  

IL Y A CINQ ANS. La nuit est fraîche. Pas froide, mais le vent s'engouffre dans les pans de son blouson et laisse une empreinte agréable sur sa peau. Il frissonne doucement, lève la tête et écoute. Écoute le bruit des vagues qui s'abandonnent sur le sable dans un roulis harmonieux. Cette douce comptine, il la connaît sur le bout des doigts. Sur le bout du cœur. Quand il n'avait que dix ans et qu'il débarquait à Cape May rejoindre son oncle, après la mort de ses parents, le bruit des vagues l'avaient apaisé, avait calmé ses tourments, pansé ses plaies comme sa mère l'aurait fait d'un bisou sur une blessure à vif. Il avance un peu, retire ses chaussures d'un geste souple et s'enfonce immédiatement dans le sable. Il a un sourire sur le visage, passe une main songeuse sur son menton, les poils de sa barbe rugueuse endormissent ses doigts pendant quelques secondes. Alors que la morsure de l'eau froide surprend le bout de ses orteils, il relève la tête, curiosité piquée par une espèce de sanglot étouffé qui résonne durement contre la mélodie de l'eau. Ses yeux se sont accoutumés à l'obscurité, d'ailleurs la lune éclaire un peu le paysage devant lui. Et là, à deux ou trois pas devant lui, se dresse une silhouette recourbée. C'est une jeune femme, il ne distingue pas ses traits, aussi lui est-il impossible de dire s'il la connaît ou non, mais il s'aperçoit que les sanglots s'échappent de ce corps frêle, trempé - car elle est assise au bord de l'eau et les vagues viennent la caresser doucement. Elle ne l'a pas aperçu, ou alors elle fait comme si, ou alors cela ne la gêne pas de pleurer devant quelqu'un. Il hésite. Longtemps. Passe une main dans ses cheveux d'un geste embarrassé. La fuite ? Il y songe rapidement. Puis enjambe les derniers pas qui le séparent d'elle et s'accroupit à ses côtés. "Est-ce que vous allez bien ?" Elle sursaute, balaie son visage d'une main afin d'effacer toute trace de chagrin, mais c'est trop tard. De toute façon, le désespoir se lirait sur la moindre de ses cellules. Jesper se racle la gorge, médite sur les mots à employer, n'en trouve aucun et abandonne. Il sort un mouchoir de la poche arrière de son pantalon en toile, le lui tend. Elle le regarde pendant ce qui lui semble une éternité. Le silence les embrasse telle une amante fougueuse. Elle demeure immobile, elle lui fait l'effet d'une poupée de chiffon sans vie. Alors il insiste, lui tend à nouveau le bout de tissu. "Il est propre, c'est promis." Il se veut rassurant mais n'est pas tout à fait certain de s'y prendre correctement. Pourtant, il est flic depuis de nombreuses années maintenant. Ne devrait-il pas savoir y faire avec ce genre de situation ? Finalement, elle accepte son offre, se mouche délicatement et essuie les deux larmes qui perlent encore au coin de ses yeux. "Merci..." souffle-t-elle en ravalant un dernier sanglot qui s'écrase contre ses lèvres. Il ne répond rien, détourne son regard afin d'éviter de la mettre mal à l'aise, dépose ses chaussures à ses côtés et s'installe. Son bras effleure celui de la jeune inconnue, mais aucun d'eux ne s'écarte. Il observe l'horizon. Ils ne se disent rien. Une minute passe. Puis deux. Puis dix. Jusqu'à ce que les sanglots recommencent. Alors, il se rapproche encore, l'entoure d'un bras rassurant. Elle pose sa tête dans le creux de son cou. Elle lui raconte ses peines, ce fiancé qu'elle a perdu il y a à peine un mois. Cet homme qu'elle aime plus que tout et qui ne l'accueillera plus jamais, qui ne la serrera plus jamais dans ses bras. Elle se confie, laisse les mots s'échapper comme les larmes.

Et les pleurs redoublent d'intensité, jusqu'à ce que cette mélopée rejoigne le rythme des vagues et qu'ils forment à eux d'eux cette chanson terrible, dramatique et envoûtante, qui restera à jamais dans son esprit.


IL Y A DEUX JOURS. Il sursaute (réaction purement naturelle puisque quelque chose vient tout simplement de lui tomber pile sur les pieds), baisse les yeux et découvre une petite chose animée sur le sol. L'enfant a les cheveux clairs, quatre ans à peine, et des yeux emplis de larmes. Certainement le choc de la chute, ou peut-être Jesper est-il plus effrayant qu'il ne l'aurait pensé. S'activant afin de relever le petit bonhomme, il s'accroupit face à lui, lui adresse un sourire complice. "Plus de peur que de mal mon grand, ne t'inquiète pas," fait-il en lui ébouriffant une mèche de cheveux. Il examine le petit visage pendant un temps, essaie de se remémorer les enfants de la ville. Ses yeux noisettes, son petit nez en trompette, tout ça lui dit pourtant quelque chose, mais il ne parvient pas à mettre un nom sur ce gosse. De toute façon, c'est la pleine saison : à tous les coups, cet enfant est celui d'un touriste et il ne comprend même pas l'anglais. Alors il se redresse, jette un coup d’œil circulaire autour d'eux, puis reporte son attention sur le marmot. "Où est ta maman ?" demande-t-il en séparant chaque syllabe, comme si cela pourrait aider le petit à le comprendre. Et cela fonctionne puisque son mini vis-à-vis hausse les épaules en faisant la moue. "Je sais pas..." lâche-t-il en jouant nerveusement avec le bas de son tee-shirt. A peine a-t-il terminé sa confession que ses yeux s'illuminent et qu'il s'échappe dans la direction opposée. L'inspecteur le suit rapidement du regard, et ravale difficilement sa salive. Le garçon s'est arrêté et enlace maintenant des jambes élancées. Des doigts fins et doux viennent caresser la joue de l'enfant. Sans qu'il ne s'en aperçoive, les jambes de Jesper s'activent et l'emmènent. Car il sait à présent qui le visage de l'enfant lui rappelait. "C'est toi." Sa voix est plate, sans émotion. Sans réaction. C'est une constatation toute simple, comme s'il avait dit c'est un lundi aujourd'hui. Face à lui, la jeune femme lui offre une sourire bienveillant. Sa main s'attarde sur les cheveux de l'enfant. "Bonjour Jesper. Ca fait longtemps..." Il ne répond rien, n'en pense néanmoins pas moins. Longtemps depuis quoi ? Depuis la nuit où elle s'est abandonnée dans ses bras ? Où elle a soupiré d'extase contre ses lèvres ? Depuis le matin où elle s'est échappée sans lui dire un mot ? Soudainement, c'est la rancune qui le prend aux tripes. Mais il se souvient de l'enfant, sait qu'il n'a pas l'âge d'assister à une scène. Quatre ans... Quatre ans. Quatre ans ! Les dates se mélangent dans sa tête. Jusqu'à ce que tout se mette en place. Il laisse échapper un grognement presque animal, claque sa main contre sa bouche en un geste de stupéfaction. Dans les yeux de sa belle inconnue, de cet amour de vacances trop tôt avorté, il lit une certaine panique. Puis elle se recompose, hoche la tête vigoureusement, comme pour mettre fin à cette graine d'idée impossible qui germe dans l'esprit du jeune Ingham. "Je te présente mon fils," commence-t-elle en couvant le concerné d'un regard adorateur. "Je ne savais pas encore que j'étais enceinte lors de mes dernières vacances ici." D'une voix assurée, elle met fin à la panique. Ou en enclenche une autre, il ne sait pas très bien. Il n'y croit pas très bien. Ses pensées sont floues, informes. Face à lui, elle continue de parler, le présente à son fils comme un ami de maman, mais il n'écoute pas vraiment.

Car sa belle inconnue, sa moitié d'âme trop tôt envolée, celle qui ne leur a laissé aucune chance, est de retour. Et qu'il se promet qu'elle ne lui échappera plus.