marlboro break.

Discrètement, Alejandro se glissa dans la chambre de son petit frère Raven. On pouvait même entendre de loin les battements de son cœur : déchainés comme une cascade d’eau. « C’est ton tour… » Raven se levait fièrement du haut de ses six ans et respira bruyamment. Il devait être près de 3 heures du matin mais l’heure importait peu, le plus important était que le soleil se lève. « Mais… Tout va bien ? » Le visage d’Alejandro se transforma en une moche grimace qui n’expliquait pas grand-chose, il mima un oui mêlé à un lourd bâillement puis alla en direction de sa chambre sans rien rajouter. C’était pourtant clair : ils avaient déjà commencé à se crier dessus. Enfin, Papa avait commencé à crier sur maman. Raven courra presque jusqu’à la chambre de ses géniteurs et se coucha devant la porte, à même le sol. Cela faisait trois ans que toutes leurs nuits se passaient ainsi. Trois ans. Toutes les nuits. « JE NE T’AI PAS DONNE LA PERMISSION D’OUVRIR LA BOUCHE ! » Raven couru jusqu’à la chambre de son grand-frère et tapa trois fois. Trois fois. Ce dernier l’ouvra à la seconde où il reconnut l’alarme et les deux bambins se précipitèrent vers l’origine du bruit. Ca y est, ça recommence. Table poussée, vers cassés, maman pleure. Alejandro, en bon grand-frère, ouvra la porte puis s’écroula à la seconde qui suivait, laissant Raven (et ses hurlements) envahir la maison. Sa maman était écroulée par terre, entourée par son sang et ses larmes. Son géniteur quant à lui était assis le lit, les doigts croisés, faussement serein. « Papa… T’es… T’es un monstre. » Murmura Alejandro alors qu’il s’agrippait encore à la porte pour réussir à se tenir debout. Raven s’était déjà lancé dans le sang de sa mère qui tentait tant bien que de mal de leur demander de sortir, ne voulant pas que ses enfants la voient dans une telle position. C’est vrai que ça n’avait jamais été aussi grave. « Non papa, c’est pas un monstre papa, il a pas fait exprès papa, pas vrai papa ? [...] Hein pa... Papa ? » Le concerné avait le nez plongé entre les doigts et ne bronchait pas. « C’est vrai. Il a pas fait exprès maman. Faut pas lui en vouloir. » Déclara finalement Raven en ancrant son regard dans celui de sa mère. « Hé regarde-moi maman, ferme pas les yeux, qu’est-ce que t’as ? […] Réponds ? » 1 2 3. Alejandro éclata en sanglots alors que leur mère fermait peu à peu les yeux, elle s’en allait. Papa grogna puis les pleurs de Juliana Antonio et Tatania retentirent, comme si l’ambiance n’était pas assez sinistre pour une mort.

L’adolescence pour Raven avait plus été un cauchemar qu’une échappée. Plus il grandissait, plus il ressemblait à son père, physiquement et caractériellement parlant. Depuis la mort de sa mère, il avait perdu toute confiance au monde, ne se confiait qu’à ses frères et avait perdu la plupart de ses amis. Impulsif, il ne se contrôlait plus, la violence était le seul moyen d’exprimer son mécontentement et son amour pour lui-même était complètement écrasé par un orgueil ingrat. Il avait construit un temple d’adoration autour de sa personne malgré sa haine envers lui – notez bien l’ironie. Des gouttes de sueur perlaient sur son front tandis qu’il regardait Leandro avec un faux mépris qui était censé cacher sa culpabilité. Il venait encore de lever la main sur celui qui représentait l’équilibre de tout son monde. Il se rappelait à chaque fois ces nuits blanches passées avec son grand-frère. Toutes les fois où son père s’amusait à taper sur sa mère, jusqu’à ce qu’elle n’arrive plus à joindre les deux bouts. Et plus Raven y pensait, plus il se croyait semblable à son géniteur, plus il s’en voulait. Il avait entendu dire qu’il fallait accepter sa personnalité pour réussir à avancer, mais il s’était probablement trompé car il n’avançait plus depuis longtemps. « Je ne t’ai pas donné la permission de… » Il se tu subitement puis ferma les yeux pendant quelques secondes, tentant de percevoir les sanglots que Léandro refusait de lui offrir. « Pense à m’écouter quand je te parle. La prochaine fois au moins tu ne feras pas la même erreur. » Il ricane. « Enfin j’espère pour toi. » Puis il sorti en claquant la porte, s’enfonça dans sa voiture et laissa enfin ses larmes couler.

Raven revient fraîchement de Cuba, presque méconnaissable. Il avait été obligé de quitter la ville car il se voyait menacé, par la faute de Léandro qui l’avait livré à la police. Pendant son séjour sur sa terre natale, il a été bousculé par le décès de son paternel mais aussi par ses frères et sœurs qui ne le supportaient plus. Obligé de changer et de faire ressortir le meilleur de lui-même pour ne plus rendre la vie dure à son entourage, il revient à Cape May pour faire remarcher les affaires (car ses clients en redemandent) mais surtout pour se faire racheter auprès de ceux qui n’ont jamais perdu leur place dans son cœur. Inutile de préciser que Léandro est premier sur la liste.