◮◮◮ knockin at heaven's door. (teandro)

tu sais même pas pourquoi tu frappes à sa porte plutôt qu'à celle de l'appartement un peu plus haut. ouais, tu sais même pas pourquoi tu sonnes à la sienne quand tu pourrais rejoindre ta soeur, un peu plus loin, et passer l'après-midi en sa compagnie. mais à ce moment très précis où tes doigts frappent le bois chromé de la porte, tu sais que ce n'est pas d'une présence féminine dont tu as besoin mais bien d'un homme. bourré de testostérones et charmant, pas du premier que tu rencontres dans la rue mais de lui. ô, il a rien de plus extraordinaire qu'un autre, mais il a une manière de te regarder qui te donne l'impression d'être... important ! alors ouais, tu frappes à sa porte, parce que ton Teddy, tu l'aimes bien. il est gentil, même s'il est mystérieux et qu'il n'en dit pas beaucoup sur son passé. ouais, tu l'connais à peine Teddy... ça pourrait être un malade mental, t'en sais rien mais t'as pas peur. parce que ça s'lit dans ses yeux, qu'il est doux, qu'il est bon. et quand il ouvre la porte, tu esquisses un petit sourire. salut teddybear. tu braques tes yeux dans les siens en haussant les épaules. je te dérange pas ? tu sais pas pourquoi, tu voulais juste le voir. lui, plus qu'un autre, lui, plutôt que ta soeur.

c'est ton jour de congé, et comme à chaque fois, le programme est le même. te mettre la tête à l'envers, oublier le monde, l'accident, être tellement drogué que t'en oublieras même que t'es qu'un drogué. tu t'étais déjà levé assez tard, mais t'en avais rien à faire. t'étais une vraie loque, un déchet humain, et t'assumais. t'avais quand même pris la peine de manger un petit truc, mais rien de bien équilibré, ou de très utile. et tu t'y étais mis, t'avais pas hésité à préparer plusieurs joints d'affilés, tu le faisais toujours. t'avais juste dans l'idée de planer, une journée de plus. tu pouvais pas le faire quand t'étais au taf, et ça te rendait fou, tu ressentais le manque s'infiltrait jusque dans tes veines, et tes tremblements te trahissaient. pourtant, c'était pas faute d'avoir essayé d'arrêter, de passer à autre chose, mais même les meilleurs psy n'y avaient rien fait. alors tu t'affalais dans ton lit, comme une larve, avant d'allumer ce fameux joint. t'enchaînes vite les taffes, reprenant vite ton habitude. tirer dessus, recracher la fumée. ce mouvement si habituel que tu connais si bien. à peine le premier finit, et alors que tu t'apprêtes à attaquer le second, t'entends sonner. tu laisses tout traîner naïvement sur la table, ça doit être un voisin qui veut du sucre, et tu rejoins la porte mais, quand tu l'ouvres, tu te retrouves nez à nez avec lui. leandro. mais c'est pas le premier prénom qui te vient quand tu le vois, toi, c'est eytan. c'est fou ce qu'il lui ressemble. mais tu reprends sur toi à sa question, et tu dégages l'entrée pour le laisser passer. non, tu penses bien, tu déranges jamais. entre. d'un coup, t'aimerais bien cacher les conneries que t'as laissé traîner sur la table mais bon, si tu te précipites avant lui, c'est trop suspect.

tu restes souriant lorsqu'il t'invite à entrer. tu vois aux poches sous ses yeux qu'il n'a pas dû dormir longtemps où qu'il a tiré sur une clope épicée mais tu ne fais aucune remarque. tu te contentes d'embrasser sa joue lorsque tu passes près de lui et d'entrer, dans son appartement. t'y es jamais venu, à dire vrai. parce que Teddy, c'est pas l'genre de mec qu'on rencontre partout et avec lequel on a juste envie de brusquer les choses. non, Teddy, c'est l'mec qu'on croise une fois au hasard, qui pose ses yeux sur vous et qui vous donne l'impression d'exister plus qu'un autre. du coup, on prend son temps avec un garçon comme ça, on y va tranquille parce qu'il faudrait surtout pas le perdre. t'avances dans la première pièce et, t'as aussitôt fait de rejoindre le salon. ô bien sûr, tu remarques les cadavres et les joints roulés mais, là encore, tu préfères ignorer la scène. c'est cosy chez toi, c'est sympa. tu glisses tes deux mains dans les poches en te tournant vers lui. t'es pas super à l'aise, parce que ton Teddy, tu l'as jamais vu ailleurs qu'à l'extérieur, au milieu de la foule. c'est pas qu'il t'intimide, mais t'aimerais pas avoir des gestes déplacés envers lui. parce que ton Teddy, tu l'sais, tu l'vois, il est brisé même si tu ignores pourquoi. et ça tombe bien, parce que, toi aussi, tu es brisé. alors tu te laisses tomber sur le sofa en soupirant. ça craignait trop aujourd'hui, j'voulais pas rester tout seul. tu le regardes en souriant, taquin. t'as des bons films teddybear ? j'ai bien envie d'm'enfoncer dans tes bras et d'regarder la télé sans bouger de la journée. ouais, t'es du genre tendre quand tu veux, même si c'est pas trop dans ton naturel. mais Teddy, il est pas comme les autres. alors non, tu l'aimes pas plus qu'un autre, mais t'y tiens beaucoup. eh puis, quand t'es avec lui, t'as l'impression de colmater un peu les fissures qu'il y a, partout, sur ton corps.

tu le laisses arpenter ton appartement du regard, s'infiltrait dans ton intimité. tu crois bien que, depuis eytan, plus personne n'a mis les pieds ici. t'es du genre solitaire et, quand tu rencontres des gens, tu les emmenes un peu partout, mais pas dans ton endroit secret. ta chambre grouille encore de photos de lui et toi, exposé dans des cadres, au mur, sur des portes, plié en quatre dans des poches de vieux jeans. tu dois oublier, il le faut, mais tout ce qui t'entoure te rappelle à lui. c'est pourquoi, quand leandro fait une référence au côté "cosy de ton appart", t'arrives à esquisser un léger sourire, sincère cette fois. « merci à toi, il serait heureux de voir que ses décorations peuvent plaire. » mais tu sais d'ors et déjà que t'en as trop dit. leandro, il a ce truc sur toi. déjà, il ressemble à eytan, fortement, et ensuite il dégage une énergie que tu peux sentir passer dans tout ton être quand tu te trouves près de lui, mais t'as jamais osé lui parler d'eytan, t'as jamais craché le morceau et tu regrettes à cet instant précis. t'essayes maladroitement de te rattraper. « ouais, tu sais, le décorateur d'intérieur, il était cool. » mais il est pas con, ça s'voit comme le nez au milieu de la figure que c'était pas ça, ta référence. t'essayes donc de changer de sujet et, quand il te propose de passer la journée avec lui, affalé sur le canapé, tu souris. bêtement. t'as l'impression de repasser un de ces moments avec ton petit ami, avant le drame. et, bizarrement, une telle proposition ne te rends pas nostalgique, ou triste, mais juste heureux. tu vas donc choper une pile de dvd qui traînent, ainsi qu'une clé usb posé sur ton bureau et tu te tournes vers le jeune brun. « 300 films sur la clé, et une dizaine en dvd, tu penses trouver ton bonheur? » tu glisses ta main dans tes cheveux, et t'observes son visage, sans imperfection, doux, qui arrive à te faire sourire sans même qu'tu saches pourquoi.

quand Teddy te répond la première fois, tu hausses un sourcil. le il dont il est question, ça t'intrigue. et puis, t'es du genre curieux donc tu voudrais sauter sur l'occasion pour en apprendre plus sur ton pote mais ce dernier rougit instinctivement avant de bafouiller une répartie qui ne te convint pas le moins du monde. mais t'es pas curieux au point d'investiguer sur la vie des gens ou de les forcer à parler. toi, tu préfères qu'on te dise les choses quand on sent que c'est le bon moment. alors tu hausses les épaules en souriant, comme un enfant. j'savais que ça pouvait pas être de toi cette déco'. ouais, tu l'taquines sans cesse, parce que c'est comme ça. Teddy, c'est un mec cool sur qui, finalement, t'en connais pas beaucoup mais tu t'en contentes. il t'offre des instants qui sont toujours agréables et si c'est la première fois que tu te pointes chez lui, t'es pas mécontent de pouvoir enfin voir en vrai sa grotte, l'endroit où il se terre. assis sur le canapé, tu le vois se ramener avec une pile de DVD et une clé usb qu'il te tend, avec fierté. tu rigoles doucement en attrapant d'abord les films qu'il possède, zieutant les pochettes rapidement pour te faire une idée. mouais, c'est pas trop mal tout ça. et puis, tu poses tes yeux sur lui, tu tiens la clé usb dans la main droite et de l'autre main, tu viens caresser sa joue. teddybear, m'faudrait un ordinateur si tu veux que j'sache ce que tu nous cache là-dedans. et tu éclates de rire doucement. les yeux dans les yeux, l'atmosphère est plutôt légère, bon enfant. en vrai, tu te poses pas de question. tu sais pas pourquoi Teddy il est venu te parler la première fois, ni pourquoi il insiste pour que vous vous revoyiez assez régulièrement. tu voudrais croire qu'il t'aime bien... ça t'suffit d'le croire, pour l'instant.