i'll take the fall for you (ruth)

[...] s'asseyait toujours à la même table, celle qui se trouvait au fond dans un coin où il se faisait oublier sans peine après s'y être installé. Son regard vide était fixé sur son verre d'alcool qui était posé devant lui, toujours plein. Il n'avait jamais aimé boire, il n'avait bu jusqu'à il y a quelques mois. Il avait trouvé dans la boisson la consolation qui n'avait pas pu trouver ailleurs. L'alcool n'avait pourtant pas réussi à calmer la colère qui le rongeait de l'intérieur. La serveuse, Ruth, apaisait ses démons et, à dire vrai il venait bien plus pour la voir que pour boire. Boire n'était plus qu'un prétexte. Il la suivait ses yeux, ses moindres mouvements, il épiait ses moindres gestes. Il se surprenait même à être jaloux des clients à qui elle adressait la parole. Elle lui renvoyait ses regards, il le voyait bien puisqu'il ne voyait qu'elle. Il se demandait pourquoi il était toujours autorisé dans ce bar. Sa mine défaite lui faisait peur. C'était le seul endroit où pouvait être lui-même, où il n'avait pas paraître pleinement heureux ou satisfait comme son père exigeait de lui, en toute circonstances. Il portait les stigmates de la trahison dont il avait été victime avec une certaine dignité. On pouvait lire un mélange de déception, de colère sur ses traits. Il ne cherchait plus à les cacher. L'alliance qu'il était toujours contraint de porter autour de son doigt lui rappeler. Ce petit bout de métal qui lui avait semblé si léger autrefois était maintenant d'une lourdeur impressionnante. Il se maudissait, d'avoir été naïf au point d'épouser celle qui le trompait sans gène aujourd'hui. Cet anneau circulaire était le symbole qu'il était pris, pris au piège dans un mariage dont il ne voulait plus mais aucune femme digne de ce nom ne se laisserait berner par une histoire aussi classique, qui était pourtant bien vrai dans son cas. C'était bien le problème et la raison pour laquelle il se limitait à lancer de simple regards à Ruth parce qu'il voyait que c'était une fille bien et qu'elle ne méritait pas de se retrouver dans une situation impossible, comme la sienne. Il était décidé à ne pas lui faire subir.